Porté par Paul Fourier et Emelyn Weber de la section des Affaires européennes et internationales, l’avis sur « les parcours et politiques d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile dans l’Union européenne » a été adopté le 23 Mai dernier par le CESE , à l’unanimité des votant.e.s moins 2 abstentions, et salué par le Défenseur des Droits. Un avis qui fait date tant par la qualité de ses analyses et sources que par la hauteur et l’humanisme de ses préconisations.
Accompagné d’un rapport consistant, cet avis est au cœur du sujet brûlant de l’immigration au travers de la question du droit d’asile, à l’heure où se développe dans de nombreux pays européens la poussée des partis politiques d’extrême droite, où les divergences et tensions dans « les politiques migratoires » entre différents États européens s’accroissent où l’UE est tétanisée devant les enjeux.
Premier constat « sur les 22,5 millions de réfugié.e.s au niveau mondial, l’essentiel de l’accueil en 2016 s’est fait dans les pays du Sud, en particulier ceux limitrophes des zones de crise, contre 1,2 million de demandeur.euse.s d’asile » dans une UE d’environ 511 millions de personnes !
« La crise des réfugié.e.s a -donc- davantage été une crise des politiques de l’accueil ».
L’avis préconise premièrement d’améliorer le système actuel de l’asile au niveau européen, dans un contexte de durcissement des politiques d’asile. Cela impose « de remettre en cause le mécanisme actuel de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile »., c’est à dire le mécanisme dit de Dublin 4 qui fait peser sur les Etats de premier accueil la responsabilité centrale et exclusive de porter « le fardeau de la prise en charge » . Les conséquences en sont dramatiques et multiples comme en témoignent les résultats des élections italiennes et ce qui en découle avec le scandale de l’errance du navire de sauvetage Aquarius.
Le CESE préconise en la matière de reprendre « la proposition du Parlement européen : élargir les critères permettant d’orienter les demandeur.euse.s d’asile vers L’État avec lequel ils. elles ont le plus de liens pour y déposer leur demande et prendre en compte la volonté des demandeur.euse.s (lorsqu’ils n’ont pas de lien particulier avec un État) en leur proposant un choix parmi plusieurs Etats ». Il s’agit également de « responsabiliser les États membres et l’UE en matière de gestion des frontières extérieures » en recommandant notamment de refuser « toute aide dédiée à la lutte contre le franchissement des frontières à des pays tiers ne garantissant pas aux personnes concernées le respect des droits fondamentaux, ».
L’avis traite ainsi de la volonté exprimée par la Commission européenne, « d’avoir recours à la notion de pays tiers sur », qui viserait « à rendre irrecevable toute demande d’asile présentée sur le territoire d’un Etat membre de L’UE de la part d’une personne étant passée par un de ces pays ». Dans sa préconisation 4, le CESE précise « que le fait d’avoir transité dans un pays tiers sur ne doit pas constituer un critère d’irrecevabilité…et il demande au Gouvernement français de s’opposer à un renforcement de la notion de pays tiers sur dans le Régime d’asile européen commun ».
Enfin en matière européenne, il faut « assurer la convergence des politiques d’accueil » « en harmonisant les procédures d’examen des demandes d’asile, avec la création d’un fonds de l’UE, des moyens supplémentaires pour le financement de la politique d’asile »
L’avis fait également une analyse lucide et critique du système français d’accueil et propose d’en changer de modèle.
Par la création de centres d’accueil initial, concentrant l’ensemble des fonctions nécessaires à la prise en charge des réfugié.e.s, par la création d’une « agence de l’accueil et de l’intégration » sous tutelle du Premier Ministre coordonnant les acteurs publics, avec une nouvelle politique de communication publique moins axée sur les approches sécuritaires que sur les exigences de solidarité ». L’OFPRA étant renforcé comme acteur unique du traitement administratif de l’asile.
Le CESE demande de prendre en compte la vulnérabilité des personnes, par un accès aux soins de santé sans les conditionner à la délivrance de l’attestation de demandeur.euse.s d’asile (préconisation 9).
L’avis porte une attention particulière à la situation des demandeuses d’asile en soulignant la nécessité de prendre en charge leurs parcours et les violences qu’elles ont pu subir…ainsi que la nécessité de la prise en charge des mineurs non accompagné.e.s, « en octroyant des moyens supplémentaires aux départements par l’aide sociale à l’enfance. Leur situation de grande vulnérabilité justifie un accompagnement social et administratif particulier ».
Le troisième niveau appelle à « faire le choix d’une intégration répondant à une approche globale ».
Pour ce faire, le CESE préconise que « l’apprentissage de la langue française soit accessible dès les centres d’accueil initial (avec 600heures au minimum) ». Il rappelle la nécessité d’intégrer les enfants réfugiés au système éducatif, avec des solutions de scolarisations spécifiques et diversifiées dans le cadre de la formation initiale (préconisation 14). IL recommande d’autoriser l’accès à l’emploi aux demandeur.euse.s d’asile dès 3 mois après leur enregistrement et que l’examen des autorisations de travail soit facilité…
Le quatrième niveau consiste à « trouver des réponses de long terme pour les futurs exilé.e.s ».
Il est proposé la création « d’une Agence européenne intégrée de l’asile, harmonisant les niveaux de protection, dotée de moyens et ayant pouvoir de sanctions sur les États qui n’acceptent pas les demandes éligibles ». Le CESE appelle également « à l’ouverture d’un débat de niveau européen sur le développement de nouvelles voies légales de migration, y compris pour pourvoir aux besoins d’une société à la démographie vieillissante et déclinante ». (Préconisation 19)
Enfin, au-delà des demandes d’asile, et en fonction de la perspective de 143 millions de personnes, réfugié.e.s climatiques en 2050, l’avis demande d’ouvrir « des discussions dans le cadre des COP », afin d’assurer une protection internationale à ces personnes.
Actualité brulante, écrivions nous en introduction : la loi relative à l’asile et à l’immigration votée il y a quelques jours, est dénoncée par le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, comme maltraitant les réfugié.e.s et remettant en cause le respect des droits fondamentaux. Et le Conseil d’État vient de considérer comme non conforme à la Constitution le fait de renvoyer un demandeur d’asile sans examen de son cas sous prétexte qu’il proviendrait d’un pays tiers réputé sûr.
Donc un avis à lire intégralement, une des plus belles contributions du CESE dans le cadre de cette mandature et qu’on peut présenter comme une référence en termes de politique migratoire européenne et hexagonale.
Noël Daucé
pour lire le rapport et l’avis : ici