Revenu de solidarité active (RSA), Allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), Allocation aux adultes handicapés (AAH), Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), Allocation de solidarité spécifique (ASS), Allocation veuvage (AV) : outre la faiblesse de leurs montants, la complexité de notre système de minima sociaux soulève des enjeux d’accessibilité et de dignité pour les 9 millions de personnes qui vivent en France sous le seuil de pauvreté mais aussi d’acceptabilité pour l’ensemble de la société.
Pour relever ce défi, le Cese propose d’instaurer un « revenu minimum social garanti », RMSG prestation sous conditions de ressources qui serait versée dès l’âge de 18 ans à chaque personne précaire. Alors qu’aujourd’hui, de nombreuses prestations ou mécanismes fiscaux dépendent de la composition des ménages, ce revenu qui atteindrait 600 euros dès 2018 serait attaché à la personne. Le CESE propose également un mécanisme de revalorisation régulière. Chaque personne en situation de « fragilité sociale et économique » y aurait donc droit, y compris les jeunes de 18 ans ou plus qui ne sont ni étudiants, ni en emploi ni en formation et n’ont aucun soutien de leurs parents. Ce revenu se substituerait le cas échéant à l’allocation de la garantie-jeunes, mais le dispositif d’accompagnement vers l’emploi serait maintenu. Cette nouvelle prestation, assortie pour tous d’une démarche d’insertion, se substituerait aux minima sociaux existants, à l’exception de l’Allocation pour demandeur d’asile (ADA). Elle ne remplacerait que partiellement les allocations pour personnes âgées (Aspa) et pour adultes handicapés (AAH), des compléments spécifiques à ces situations permettant d’atteindre un niveau total équivalent au moins à leurs montants actuels (803 pour l’un et près de 811 euros pour l’autre).
Dans l’attente d’un versement des allocations familiales dès le premier enfant, le RMSG serait majoré pour les personnes ayant un enfant à charge. Un versement automatisé pourrait être expérimenté, dans l’objectif de lutter contre le non recours: actuellement, quelque 30% des personnes éligibles au RSA ne le demandent pas. En ce qui concerne l’ADA, proposition est faite de la porter de 6,80 à 10 euros par jour pour un demandeur d’asile bénéficiant d’un hébergement. Le Cese souhaite que le gouvernement fixe un montant additionnel « décent » pour les personnes sans solution d’hébergement. Par ailleurs le CESE préconise pour tous une démarche d’accompagnement vers l’emploi où le service public jouerait tout son rôle.
Les montants actuels des minima sociaux sont très inférieurs au seuil de pauvreté. S’ils contribuent en partie à la réduction de la pauvreté, leurs effets sont inégaux en fonction des situations et insuffisants pour empêcher la persistance d’un taux de pauvreté élevé. C’est pourquoi, même si la réflexion peut et doit se continuer et si le niveau proposé dans une première étape est encore loin du seuil de pauvreté, il était urgent que le Cese fasse des propositions concrètes pour améliorer le sort de millions de personnes dans notre pays.
Par Eliane Lancette
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Déclaration de Gérard Aschieri au nom de la FSU lors de la séance qui a adopté cet avis par 139 Pour, 15 Contre et 33 Abstentions
L’élaboration de ce projet d’avis n’a rien eu d’un long fleuve tranquille et on peut le comprendre.
Le débat en effet est légitime. D’abord parce que le paysage des minima sociaux en France, résultant d’une accumulation de politiques diverses, est d’une grande complexité, avec des dispositifs multiples, aux règles et aux finalités hétérogènes, qui s’articulent plus ou moins bien avec d’autres dispositifs plus généralistes. Ensuite parce que, comme nous l’avons dit lors du 30ème anniversaire du rapport Wresinsnki, la lutte contre la grande pauvreté et la précarité doit relever de la convergence de politiques multiples, de santé, d’emploi, d’éducation, de logement, famille etc.. et qu’il est difficile de penser la question des minima sociaux indépendamment de ces politiques. Enfin parce que le débat politique actuel n’aidait pas à cerner les contours du problème et parce que les délais impartis à ce travail ne permettaient pas assez son indispensable approfondissement.
Pourtant il était important d’aboutir tant la diversité de ces minima peut se révéler un obstacle pour ceux qui en ont besoin et tant leur niveau actuel est dans la plupart des cas éloigné du seuil de pauvreté. Et l’enjeu n’est pas seulement d’assurer aux plus précaires une légitime solidarité mais aussi de contribuer à rendre effectif leur accès aux droits et singulièrement contribuer à améliorer leur accès à l’emploi.
Le texte final ne ferme pas le débat. Le premier mérite du projet qui nous est présenté est selon moi de se placer dans une logique de droits fondamentaux, et, ce faisant, de bien cerner le problème et délimiter l’objectif : assurer à ceux qui connaissent la plus grande fragilité économique un droit effectif à un minimum de ressources garanti stable.
Le second mérite est de proposer un dispositif raisonné et cohérent qui part de l’existant, en tient compte, laisse des questions ouvertes et en même temps permet une amélioration réelle, quoique limitée, de la situation, qu’il s’agisse du montant ou des conditions pour en bénéficier ; et dans ce dispositif je ne peux qu’approuver la volonté de prendre en compte les jeunes, particulièrement ceux qui ne sont ni en emploi ni en formation.
Le troisième mérite est à mes yeux le souci de lier ce minimum social garanti à des politiques d’accompagnement vers l’emploi, condition indispensable pour sortir durablement de la précarité et être partie prenante de cette « société des semblables » qu’évoque la première partie du texte.
En lisant ce projet et les multiples références qu’il fait à des avis antérieurs, anciens ou récents, on s’aperçoit combien a existé un travail constant de notre assemblée sur la lutte contre la précarité et l’accès aux droits sociaux. Si nous l’adoptons nous nous placerons dans la continuité de ce travail et, je l’espère, nous ouvrirons sans doute la voie pour aller plus loin.